Filières, prix, offre : comment Carrefour envisage les négociations 2020

Rédigé le 09/10/2019



A l’occasion du congrès Stratégies Commerciales, le secrétaire général de Carrefour Laurent Vallée est revenu sur les nombreux dossiers en cours autour de la redéfinition de l’offre du distributeur et ses relations avec ses fournisseurs.

 

Carrefour est engagé dans un vaste chantier de transformation.  Et mercredi 3 octobre, le secrétaire général de Carrefour Laurent Vallée a donné quelques-unes des pistes de travail actuelles lors de son discours à la tribune du congrès Stratégies Commerciales organisé par LSA. Il est revenu, sans pudeur, sur les différents dossiers comme le prix ou encore la redéfinition des assortiments, qui vont avoir un impact sur l’offre, et donc sur les fournisseurs du groupe. D’emblée, Laurent Vallée a tenu à parler des prix, sur fond de guerre des étiquettes entre enseignes. "Autant régler cette question tout de suite même si elle apparaît politiquement incorrecte » a déclaré le secrétaire général. « Oui nous étions tenus de réinvestir dans les prix. Ce n’est pas une question de survie, de guerre des prix, ou de spirale que nous alimenterions délibérément par une sorte d’instinct funèbre, c’est seulement qu’il nous était impossible d’envisager quoique ce soit dans un environnement si concurrentiel avec une compétitivité prix qui s’était significativement dégradée. Oui nous devions nous remettre à niveau, et je voudrais souligner que cela nous a imposé des efforts puissants sur nous-mêmes". Il a ensuite abordé, devant un parterre de dirigeants de l’industrie, le sujet des Etats généraux de l’alimentation, qui doivent sur le papier redéfinir les relations commerciales, et apporter plus de sérénité.

Sur l’expérimentation des dispositifs d’encadrement des promotions (en volume et en valeur) et sur la hausse de 10% du SRP, Carrefour est pour leur maintien dans cette année 2. "Quels que soient les mérites et les défauts d’un texte, et les comportements attendus ou non qu’il a provoqués, rien n’est pire que l’instabilité constante, a fortiori dans une filière dont la situation n’est pas facile". Quant à savoir si la loi peut tout régler, Laurent Vallée n’en est pas certain. Et il en a profité pour adresser un message à ceux qui considèrent que les difficultés d’application ou les déceptions ne reposent que sur les épaules des distributeurs. "Dans une économie de marché ouverte et complexe, et dans une filière qui représente autant d’intérêts économiques, (…) il est très difficile d’être efficace par rapport à un symptôme, le prix, sans traiter les causes des difficultés. Or l’insuffisance de rentabilité, de croissance, de visibilité que connaissent de très nombreux maillons de la chaîne, et j’y inclus aussi les distributeurs, trouve sa cause dans des facteurs structurels qui pèsent très fortement et sur lesquels le législateur ne peut agir, et ce n’est d’ailleurs pas sa responsabilité. C’est celle de l’ensemble des acteurs économiques. C’est à mon sens l’explication – et la seule – de certaines déceptions ou d’attentes non satisfaites par un dispositif qui, dans l’ensemble, a apporté une évolution dont personne ne peut nier qu’elle reste significative".

Un contractualisation plus poussée avec les PME et TPE

Pour tenir compte des dynamiques de croissance, des nouvelles attentes de la clientèle mais aussi des spécificités de certains acteurs et filières, Carrefour entend mettre en œuvre très rapidement plusieurs mesures. Ainsi, pour améliorer l’engagement auprès des petits opérateurs, une démarche  qualifiée de "traditionnelle" mais que le contexte rend encore plus importante, Carrefour a annoncé son souhait de contractualiser avec plus de 1000 PME et TPE régionales et locales sur la base d’un engagement ferme sur trois ans avec une revalorisation sur cette période pour l’ensemble des entreprises. Concernant les difficultés de la filière porcine, les prix d’achats seront revalorisés ce mois ci auprès de transformateurs français de charcuterie. "Les fournisseurs de produits à marque de Carrefour et 100% des PME françaises qui ont déjà communiqué leur tarif bénéficieront d'une revalorisation de leur prix d'achat au plus tard le 1er novembre" a assuré le secrétaire général, qui entend poursuivre les efforts de revalorisation du prix du lait payé aux éleveurs servant à la fabrication de produits laitiers. A ce sujet, et afin de vérifier que les revalorisations sont bien effectives, le distributeur a proposé qu’un tiers indépendant et soumis au secret professionnel, "vérifie auprès de chacun des maillons de la filière, de Carrefour jusqu’aux éleveurs, que le ruissellement s’opère. Il nous semble que c’est la seule démarche vertueuse de transparence possible et nous proposons que le médiateur des relations agricoles et les organisations représentatives des producteurs laitiers soient associés, s’ils le souhaitent, à cette démarche que nous lançons dès à présent". Une démarche a laquelle Dominique Schelcher (patron de Système U et partenaire de Carrefour aux achats aux travers de la centrale d’achats commune Envergure) a apporté son soutien.

Des améliorations portées à Envergure

La mise en place de la centrale Envergure a été l’objet de quelques commentaires, notamment vis à vis des points d’amélioration à mettre en œuvre après quelques mois d’existence et des premiers enseignements tirés. Carrefour vise "davantage de dialogue avec les fournisseurs et, dans l’application des accords au niveau de Carrefour, une volonté pour notre entreprise de nous améliorer dans la conception et dans l’exécution des plans d’affaires. C’est ce qui a historiquement donné de l’impact à Carrefour, nous essaierons d’aller dans le sens de ce que nous avons perçu comme l’un des regrets, voire des reproches qui nous étaient adressés". En matière d’offre, sujet qui a clos cette prise de parole, Carrefour a annoncé vouloir "être le lieu privilégié des marques nationales performantes, de leurs innovations et de la différenciation. Nos objectifs de réduction d’assortiment ne sont pas, en la matière, un obstacle. Notre offre était devenue illisible, incompréhensible. Ce n’est pas le seul motif qui explique que les clients de Carrefour se sentent parfois perdus, mais c’est un motif essentiel. Quand votre assortiment comporte plus de 1300 références de confiture, il n’est pas illégitime de vous interroger sur son étendue" a conclu Laurent Vallée, qui souhaite que Carrefour "conduise évidemment des négociations apaisées et loyales pour 2020". Le ton est donné, et le bilan en sera tiré en mars, une fois cette étape terminée.