"Le Parisien" : Réformes des retraites : pourquoi les mères ne sont pas si gagnantes

Rédigé le 24/01/2020



Sur les six cas types de mères salariées présentés dans l’étude d’impact du gouvernement que nous avons pu consulter, quatre d’entre elles sont perdantes, si elles prennent leur retraite avant 65 ans.

Le Premier ministre, Edouard Philippe l'avait claironné en décembre : « Les femmes seront les grandes gagnantes de la réforme des retraites. » Un sujet d'autant plus sensible qu'il y a 42 % d'écart en moyenne entre les pensions de retraite des femmes et celles des hommes. Actuellement les hommes touchent 1 800 euros en moyenne, et les femmes autour de 1000 euros. Des différences dues aux inégalités salariales, à la surreprésentation des femmes dans les emplois féminisés mal payés, au temps partiel (30 % des femmes actives) et aux interruptions de carrière pour maternité et congés parentaux.

Deux questions majeures restaient en suspens : « Jusqu'à quel âge les mères de famille vont-elles devoir travailler ? » et « Combien vont-elles toucher ? ». Et les réponses de cette étude ne vont pas vraiment dans le sens de la volonté du gouvernement ni des revendications des syndicats qui soutiennent la réforme, CFDT en tête.

De 50 € à 300 € de perte par mois

En effet, le nouveau système par points sera, dans de nombreux cas, moins favorable aux mères de famille sauf si elles décident de travailler plus longtemps : de 50 € à 300 € de perte par mois, selon les cas. C'est ce qui ressort d'une version intermédiaire de l'étude d'impact du projet de loi, rédigée par le gouvernement, que nous avons pu consulter. Six cas types de femmes avec enfants sont détaillés dans l'étude, qui prend en compte les générations nées en 1980 et en 1990. Cinq concernent des carrières complètes et un présente une carrière « heurtée ».








Quels sont les enseignements de cette simulation du gouvernement ? Seuls deux profils tirent leur épingle du jeu en cas de départ avant 65 ans. D'un côté, une « cadre à carrière très ascendante », avec un niveau de pension supérieur à 4 000 € bruts mensuels. Et, à l'autre bout du spectre, une salariée « à carrière heurtée » avec une pension inférieure à 1 000 €.

Les femmes des classes modestes pénalisées

Mais quatre autres profils seront perdants dans le futur système, si ces salariées décident de partir entre 62 et 65 ans, que ces femmes soient mères de deux ou trois enfants. Il s'agit de deux salariées au smic (l'une à temps complet, l'autre à temps partiel), d'une salariée « non-cadre à carrière ascendante » et d'une autre ayant eu toute sa carrière « un salaire moyen » : pour toutes ces représentantes des classes modestes et moyennes, le système universel sera clairement pénalisant si elles partent à la retraite avant 65 ans.

Dans ce nouveau système, une majoration de 5 % par enfant, dès le premier enfant, se substitue aux quatre trimestres accordés, jusqu'ici, par enfant à partir du deuxième. Par défaut, cette majoration, qui pourra être partagée entre les deux parents ou dévolue au père, sera attribuée à la mère.

Les six cas types de l'étude retiennent l'hypothèse de l'attribution des 10 % de majoration en totalité à la mère. Pour les quatre profils perdants, le montant des pensions pourrait donc être encore inférieur en cas de partage de la majoration avec le père.

L'étude d'impact révèle le raisonnement sous-jacent du gouvernement : l'âge d'équilibre (où l'on pourra partir sans décote) sera de 65 ans pour les personnes nées à partir de 1975. Il y est d'ailleurs stipulé que « pour la plupart des cas types, le système universel devient plus favorable à partir du moment où l'assuré liquide sa retraite à partir de l'âge d'équilibre ».