Yves Veyrier : « Une composante majeure du contrat social »

Rédigé le 30/01/2020



Nous aurions presque pu signer l’avis du Conseil d’État !

Nous n’irons pas jusque-là car, pour notre part, nous ne confondrons jamais les rôles, sûrs de ce que nous sommes et entendons rester : une organisation syndicale libre et indépendante.

Mais les analyses que nous avons portées, sans relâche, la contradiction que nous avons apportée, publiquement, aux arguments du gouvernement sont largement confirmées !

Dès le mois de juillet, nous avions alerté sur la nature de la réforme : Le projet de système universel de retraite […] est en lui-même une réforme paramétrique permanente aux mains des gouvernements à venir (tribune parue dans le JDD le 20 juillet 2019). Parce que le pilotage des paramètres du système unique serait assuré, en dernier ressort, par les gouvernements (valeur des points, malus et bonus de l’âge d’équilibre).

Il s’avère aujourd’hui que cet âge d’équilibre (au passage non plus à 64 ans comme longtemps affiché, mais à 65 ans dès l’entrée en vigueur pour la génération 1975), devient la clé de voûte du système voulu par le gouvernement.

Ainsi, le Conseil d’État note qu’il faut comprendre que le maintien du niveau relatif des pensions individuelles serait assuré par une élévation de l’âge du taux plein.

Dans cette même tribune (cf. ci-dessus) nous concluions que loin d’être plus simple et plus juste, le système universel risquait surtout de se traduire par une retraite incertaine, tant pour le niveau de la pension que pour l’âge de départ effectif, pour tous et au fil du temps.

Nous ne dirons pas que le Conseil d’État a paraphrasé nos propos, mais force est de constater que son avis recoupe nos analyses : Le choix d’une détermination annuelle de chacun des paramètres du système, y compris ceux applicables à une génération entière, aura pour conséquence de limiter la visibilité des assurés proches de la retraite sur les règles qui leur seront applicables.

Il met aussi à bas la formule « marketing » chaque euro cotisé ouvre les mêmes droits pour tous, parce qu’elle reflète selon lui imparfaitement la complexité et la diversité des règles de cotisation ou d’ouverture des droits définies dans le projet de loi ! Cette situation est le produit de dispositifs indispensables de solidarité, que le système universel par points n’assure pas de lui-même, comme nous l’avions dénoncé, et qui l’oblige à reprendre en les adaptant, les principaux mécanismes existants de bonification notamment pour motifs familiaux, les avantages afférents, qui prennent aujourd’hui la forme de majoration de pensions ou de durée d’assurance.

Nous pourrions poursuivre l’énumération et nous féliciter de ne nous être pas trompés si cela n’était pas si grave !

Mais là encore, le Conseil d’État nous conforte dans notre détermination et nous conduit à nouveau à en appeler à ce que le processus soit stoppé. Il déplore en effet de ne pas avoir été à même de mener sa mission avec la sérénité et les délais de réflexion nécessaires pour garantir au mieux la sécurité juridique de son examen, alors que les projets de loi procèdent à une réforme du système de retraite inédite depuis 1945 et destinée à transformer pour les décennies à venir un système social qui constitue l’une des composantes majeures du contrat social.