Chômage partiel et retraite : l’impact négatif sera compensé

Rédigé le 07/05/2020


Les salariés en chômage partiel ne cotisent pas à la retraite et perdent donc des droits. Muriel Pénicaud va annoncer ce jeudi la prise en charge de ces cotisations. Reste la question de la trésorerie affaiblie des caisses.

Chute de l'activité économique oblige, 12,1 millions de salariés ont été placés en chômage partiel par leur employeur. Un glissement indispensable pour préserver les revenus des salariés. « Mais à la différence du chômage classique, le chômage partiel n'est pas soumis aux cotisations retraites; il ne génère donc pas de droits nouveaux, et peut impacter négativement le montant de la future pension », met en garde Valérie Batigne, dirigeante de Sapiendo-Retraite, cabinet de conseils expert. Un problème soulevé également par le cabinet de conseil Groupe Alpha.

Prise en charge des cotisations

Des craintes entendues en haut lieu puisque la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, a annoncé ce mercredi au Sénat qu'elle va corriger le tir. « Je présenterai demain [ NDLR : ce jeudi ] au Conseil des ministres une disposition législative qui permettra l'acquisition des droits à la retraite de base pendant les périodes d'activité partielle », a-t-elle indiqué. Ce qui implique une modification des règles du chômage partiel qui n'est pas pris en considération par l'Assurance vieillesse obligatoire. « Jusqu'ici, s'est-elle justifiée, cela avait peu d'importance puisque l'activité partielle était peu utilisée, pour des périodes courtes, donc ça ne pénalisait pas les personnes concernées ». Seulement voilà, admet la ministre, le Covid-19 est passé par là, suscitant « un chômage partiel de masse qui va durer de façon assez prolongée dans un certain nombre de secteurs qui ne peuvent pas rouvrir tout de suite ».

Un risque identifié

Une bonne nouvelle car, selon Frédéric Sève, secrétaire national de la CFDT, en charge des retraites, « cette situation risquait de pénaliser les salariés les plus modestes, ceux à faible volume horaire de travail, sans doute autour de douze heures par semaine, comme les aides à la personne, les femmes de ménage à domicile… ». Un risque « que l'on avait identifié », admet Renaud Villard, le directeur général de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, Cnav.

Mais qui va payer ?

La ministre n'a pas encore donné de détails sur l'éventuelle contribution de l'Etat. « Normalement, c'est le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) qui prendra en charge sous la forme d'un forfait de cotisations qui nous est reversé », explique Renaud Villard. Voilà qui ne va pas faire les affaires du FSV dont le déficit avoisinait le milliard et demi d'euros fin 2019.

5 milliards de cotisations en moins

Car la Caisse nationale d'assurance vieillesse est confrontée à un autre gros problème : ses ressources fondent. « Si les projections du gouvernement sont confirmées, une décroissance de 8 à 10 % en 2020 aura un impact d'au moins 5 % sur le montant des cotisations collectées par la Cnav, admet Renaud Villard. Sur 100 milliards d'euros de cotisations, ça n'est pas rien, et nos dépenses sont incompressibles ». L'Assurance vieillesse, qui a terminé 2019 quasi à l'équilibre, risque donc de retourner en zone rouge, avec un déficit probable fin 2020 de 5 milliards d'euros. A côté, les cotisations de 12 millions de salariés au chômage partiel pendant quelques semaines paraissent supportables, mais si ce chômage-là dure, ce sera une autre histoire.

Les caisses fragilisées

Et toutes les caisses sont à la même enseigne puisqu'elles sont alimentées par les cotisations sur salaires. « L'Agirc-Arrco dispose de plus de 60 milliards d'euros de réserve mais d'autres caisses n'ont pas de filet de sécurité », Insiste Frédéric Sève. Selon lui, « on va vite être confrontés à un vrai sujet de financement de la protection sociale. Il faudra alors jouer solidaires ». Valérie Batigne, elle, prédit « un retour rapide du projet de réforme des retraites ».