Hard-discount : comment Action casse les prix et multiplie les ouvertures en France

Rédigé le 21/07/2021


DISCOUNT - Des prix imbattables, des surfaces gigantesques… Le discounter hollandais Action a fait une entrée en force dans l’Hexagone, avec 546 magasins en 7 ans, dont le plus grand au monde a récemment ouvert en banlieue parisienne. Quels sont les dessous de ce succès fulgurant ?

De la vaisselle qui se mêle aux produits d'entretien, des objets de déco qui côtoient des outils de bricolage... Bienvenue chez Action, un discounter hollandais dont le poids ne cesse de grandir en France. Ici, un tiers des articles sont proposés à moins de … 1 euro. Les magasins poussent comme des champignons, et pour cause : leur recette pour proposer des prix aussi bas est imparable. Les clients deviennent ainsi rapidement de fidèles acheteurs, et repartent avec toutes sortes de produits, mais rarement ce qu'ils ont prévu d'acheter au départ. 

À l'image de Sabrina, vendeuse de prêt-à-porter qui fréquente l'enseigne deux fois par semaine, et y dépense 80 euros à chaque fois. Des jeux pour ses enfants, de la déco, la plupart du temps ce sont des achats d'impulsion qu'elle assume totalement. "C'est sûr que j'achète plein de trucs dont je n'ai pas besoin mais c'est pas grave, je suis contente. C'est comme si c'était Noël, on se fait des cadeaux à soi-même", plaisante-t-elle.

Action signifie aussi addiction pour Annaelle. Cette jeune maman au chômage a trouvé un moyen de remplir ses journées : elle se rend dans son enseigne fétiche trois à quatre matins par semaine. Ses dépenses atteignent une centaine d'euros par mois alors qu'elle n'en gagne que 900, mais c'est un rituel qu'elle ne raterait pour rien au monde. "J'aime bien, j'en profite, il y a une super ambiance", lâche-t-elle. Et avec 150 nouveautés par semaine, c'est comme si elle découvrait à chaque fois un nouveau magasin. Action mise aussi sur une logique de chasse aux trésors : les produits ne sont jamais les mêmes en rayon. Les deux tiers sont remplacés régulièrement, ce qui crée de la frustration. Résultat, par peur de manquer, le client fait des réserves et surconsomme.

Né aux Pays-Bas en 1993, le discounter européen a ouvert son premier commerce en France en 2012, et depuis sa croissance est exponentielle. Chaque semaine, ce sont ainsi deux nouvelles enseignes qui voient le jour dans l'Hexagone, dans des zones un peu excentrées où les loyers sont moins chers. Autre secret de fabrication, les magasins se déclinent toujours sur le même modèle : des sortes de hangar au décor minimaliste, avec carrelage et éclairage identique, une signalétique sommaire, et pas de musique d'ambiance pour ne pas payer de droits d'auteur. Tout est pensé pour réduire au maximum les coûts. 

Mais contrairement aux déstockeurs, la marchandise n'est pas vendue sur des palettes. Bien au contraire. Une attention particulière est même portée sur sa disposition dans les rayons. "Ce qui serait bien, c'est d'avoir les gammes de coussins à recouvrir au même niveau, et les housses en bas", indique aux vendeuses Céline, la responsable du magasin de Sainte-Geneviève-des-Bois qui vient d'ouvrir ses portes. "On a des choses qui sont vraiment dans la tendance actuelle, autant les mettre en valeur le mieux possible", explique-t-elle.

Des arrivages tous les jours

Pour être le moins cher possible, l'enseigne, opportuniste, repère aussi tous les bons plans : invendus, stocks, faillites, et achète en masse depuis les Pays-Bas pour ses 1500 magasins européens. Avec de tels volumes, elle peut négocier des prix imbattables, et proposer de grandes marques 30% moins chères qu'en hypermarchés. Les coûts logistiques sont par ailleurs compressés au maximum grâce notamment à des semi-remorques à double-pont, une innovation de la marque. Ils peuvent ainsi transporter 60% de marchandises en plus par rapport à un camion classique. En termes de rentabilité, cela permet de livrer trois magasins au lieu d'un seul. Ce qui n'est pas négligeable puisque l'enseigne a des arrivages tous les jours, et aucun stock pour utiliser moins de main d'œuvre et moins d'espace.

Chiffre d'affaires mondial : 5 milliards d'euros

Autre astuce, et pas des moindres, les charges salariales sont réduites au maximum. Chez Action, même le responsable du magasin met la main à la pâte, et enchaîne tous les postes à un rythme effréné comme n'importe quel autre employé : commande des produits, rangement des rayons, gestion de la caisse, pour un salaire brut estimé à 2500 euros par mois. 

"C'est pour ça que j'ai signé chez Action, c'est pour le dynamisme. Je préfère être au quotidien sur le terrain avec mes équipes pour les performer et me performer aussi, parce que c'est en étant avec les personnes qu'on apprend énormément", se convainc Donia, la responsable du magasin de Briey en Meurthe-et-Moselle, qui travaille pour la marque depuis cinq ans. Et quand on interroge la direction sur les conditions de travail des salariés, le silence est de mise. Impossible par exemple d'avoir la moindre information chiffrée sur les cadences de travail. Le secret fait également partie de ce business-modèle. Côté rendement, là encore, aucun commentaire. Seules données officielles, le chiffre d'affaires mondiale de l'enseigne s'élevait à plus de 5 milliards d'euros en 2019.

Une publicité faite par les clients eux-mêmes

Un business florissant qui est aussi une source de revenus pour des particuliers. Aurélie, ancienne esthéticienne et mère de deux enfants, a fondé sa chaîne Youtube en 2012 pour donner des conseils beauté, mais elle s'est vite rendue compte que ce qui crée le buzz, ce sont ses vidéos consacrées au discounter. Après une première diffusée en 2016, elle a vu son nombre d'abonnés s'envoler et en a aujourd'hui 115.000. "Ce sont des vidéos qui fonctionnent très bien et très vite, et qui ont beaucoup d'interactions et de commentaires.  Il y a aussi un côté communautaire plus que sur les autres", explique-t-elle. Avec cette communauté de fans, la marque n'a pas besoin de faire de pub. Tout passe par le bouche-à-oreille et les réseaux sociaux. Aurélie gagne 1000 euros par mois grâce aux spots publicitaires que Youtube diffuse avant chacune de ses publications, mais la marque ne lui verse pas un centime.